Interview

Servette-Music

Interview avec Servette-Music

(paru le 28.04.2023)

J’ai eu le plaisir de passer du temps avec Servette-Music récemment pour une interview et voici le résultat.

Salut Grégoire, tu es guitariste professionnel et professeur de guitare indépendant. Peux-tu nous parler de tes activités ?

Je suis musicien professionnel et professeur indépendant, et je joue actuellement dans plusieurs groupes pour le plaisir de jouer ensemble. Quand on a une opportunité de concert, on le fait, mais on répète surtout pour entretenir et développer notre jeu sur l’instrument. Dernièrement, j’ai démarré plusieurs projets. Il y en a un que je viens de commencer avec une chanteuse avec laquelle ça fait 30 ans qu’on se dit « On fait un truc ? » « Ouais, ouais, OK, d’accord. » mais rien ne s’était fait jusque-là. Et là, je lui ai dit « Sylvie – elle s’appelle Sylvie Pique – là maintenant, on y va, on fait un truc. Je te propose un projet pour lequel on s’adresse à un public âgé. »

Un public âgé, c’est-à-dire ?

C’est ce qu’elle a demandé (rires). Des gens de l’âge de nos parents, qui étaient les soixante-huitards, parce que la musique qu’on aime vient essentiellement de ces années-là. On a donc monté un répertoire d’une heure et demie qui va, en gros, de Gainsbourg à Clapton, et on va le faire tourner un peu dans des endroits où se trouvent des personnes de cette génération. Ce qui est chouette c’est que ça marche super bien entre nous. Je sais que Sylvie est une personne en laquelle je peux avoir toute confiance, ce n’est pas une diva, c’est quelqu’un qui sait chanter. Elle a une grande formation classique, mais ça ne l’empêche pas de chanter des choses beaucoup plus modernes. Elle a une très grande culture musicale, elle aime aussi bien Janis Joplin que des répertoires contemporains et classiques, et donc, elle sait bien manier sa voix. Il n’y a pas besoin de revenir beaucoup de fois sur les choses, elle connaît bien son instrument. C’est très, très sympa.

Et puis, actuellement, j’ai aussi un duo avec un pianiste qui s’appelle Alexandre Rodrigues, qui est sur Genève et qui a beaucoup de talent. Ce duo est d’ailleurs appelé à devenir un trio, parce qu’on est en train d’essayer avec un contrebassiste. On joue aussi bien des standards de jazz que des musiques de film, du Dylan… On est assez inspiré par ce qu’on a entendu entre Bill Frisell et Fred Hersch comme duo piano/guitare pour construire ce répertoire-là. Ce n’est pas évident de ne pas se marcher dessus musicalement, à avancer avec prudence, dans un duo avec deux instruments harmoniques comme ça.

Enfin, je joue dans un autre trio avec Cléa Pellaton et Ariane Morin, saxophoniste et contrebassiste extraordinaires, qui viennent de Lausanne. Là, en termes de répertoire, c’est plutôt des standards de Jazz.

Quels ont été ton parcours et ta formation pour en arriver là ?

Je suis surtout autodidacte. Ma formation musicale a commencé quand j’étais dans une école d’art à la fin des années 80 où quelqu’un m’a tendu une cassette en me conseillant de l’écouter. C’était « Get Yer Ya-Ya’s Out! » des Rolling Stones, et en l’écoutant, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire de ça. J’étais très impressionné par le son d’ensemble du groupe sur ce disque. Et quand je le réécoute encore aujourd’hui, je retrouve toujours cette vibration que j’ai eu la première fois que je l’ai entendu. L’époque Mick Taylor était la meilleure période des Stones à mon avis, même si je sais que c’est très personnel. Mais là, les deux Les Paul branchées dans les amplis Ampeg, c’était magique pour moi. Et puis surtout les riffs géniaux des guitares qui se répondent et qui se complètent parfaitement, sur « Honky Tonk Woman » on touche au sublime (rires) !

Mon adolescence c’était aussi la grande période des concerts télédiffusés mondialement. Il y avait eu le Live-Aid, et un autre d’Amnesty International. Après avoir écouté cet album, j’ai dit à mes parents que je voulais jouer de la guitare, et ils ont proposé un deal : j’achetais la guitare, et ils me payaient les cours.

Un très beau geste de la part des parents…

Comme tu dis. Presque un instant plus tard, je trouvais ma première guitare et mon premier ampli chez Kaspar Zwicky. La guitare était une Aria Pro II pas géniale, mais j’étais très content de l’avoir. Je ne me souviens plus de l’ampli, sauf que c’était un truc assez nul. Et j’ai tout de suite commencé à prendre des cours à l’ETM, quand l’école venait d’ouvrir.

Puis, assez rapidement, j’ai rencontré Christian Graf qui s’est occupé de moi. Au-delà des conseils sur les gammes, les accords, l’harmonie, etc, il m’a donné des pistes de travail et des conseils sur les réglages de l’ampli, les effets, sur le son, et aussi sur la scène, sur l’écoute. Il m’a aussi beaucoup parlé des instruments eux-mêmes, notamment leur fabrication. C’était un peu plus que le cours de guitare basique, genre « apprends ce morceau », c’était plus vaste et plus riche. On se voit d’ailleurs toujours.

Il t’a donné une formation à 360°, on dirait.

En gros, oui. J’ai parachevé tout ça grâce à d’autres contacts, à une année de cours en pré-pro à l’EJMA en 2008-2009, à des lectures de bouquins, de magazines et autres, mais la personne avec qui j’ai échangé le plus a été Christian. Parallèlement, je jouais énormément avec les disques, dont j’ai appris beaucoup de choses. Il y avait les Rolling Stones, Clapton – essentiellement Clapton – et tout ce blues-rock des années 60, 70, et 80.

Quels étaient les styles qui t’attiraient le plus ?

J’ai repiqué à peu près tous les morceaux et les solos qu’a joué Clapton, j’ai appris énormément comme ça. Après, je me suis tourné vers les fondamentaux du blues : Howlin’ Wolf, Muddy Waters, Buddy Guy, Elmore James… J’ai compris que la nouvelle génération avait littéralement pillé cette musique, mais qu’elle l’avait aussi beaucoup popularisée. Le rock, le hard-rock, et beaucoup de ce que j’écoute vient de là. Les groupes que j’aimais avaient mis la musique des anciens au goût du jour. D’ailleurs, comme on a pu le voir, ça a permis à ces anciens d’avoir une seconde carrière. Parce que quand sont arrivées les musiques d’Elvis, etc. dans les années 50 et 60, les carrières des Muddy Waters et compagnie étaient terminées aux US, et ils ont donc traversé l’Atlantique pour faire des concerts en Europe, là où ils ont eu un second souffle grâce, entre autres, à John Mayall.

Puis après, je me suis intéressé au jazz et j’ai fait des ateliers à l’AMR dans différentes formations. J’ai joué dans le Big Band pendant deux ans, ce qui a été une expérience formidable : c’était génial d’apprendre à phraser, d’apprendre à se faufiler dans un ensemble de 20 musiciens, à trouver sa place en tant que guitariste. C’était la première fois où j’avais une place dans la section rythmique d’un tel orchestre. Quand tu joues de la guitare, dans bien des cas, tu joues les accords et tu y vas. Moi qui avais toujours été dans de petites formations musicales, là, tout d’un coup, c’était le gros truc. Donc, comment faire ? Vu que tout le monde cause en même temps, tu ne peux pas en rajouter, toi, encore plus. Il faut que tu fasses les choses très en retrait, tu es derrière. Dans cette configuration, le guitariste c’est le gars que tu n’entends pas, mais si tu l’enlèves tu t’aperçois qu’il manque.

Tu as aussi beaucoup expérimenté avec les différents types de guitares ?

Un peu. Comme je te l’ai dit, ma première était une Aria Pro II. C’était une réplique de Charvel, celle qui avait la tête un peu pointue. Elle n’était pas terrible, et je l’ai revendue pour m’acheter une Gibson ES-335. Et quand j’ai revendu ma 335 j’ai acheté ma première grande guitare, une PRS Custom 24. Alors là, ça, c’est une de ces guitares qui font que tu ne sais plus jouer quand tu l’as pour la première fois dans les mains. C’était tellement supérieur à tout ce que j’avais eu comme instrument qu’il m’a fallu littéralement réapprendre les gestes. Parce que ça répond tellement bien, c’était tellement sensible comme instrument par rapport à tout ce que je connaissais, que je devais reconsidérer tous les réflexes et toutes les façons que j’avais d’attaquer l’instrument. Là, j’ai fait énormément de progrès. Puis après, j’ai eu d’autres PRS dont une Hollowbody I que j’ai toujours, et je me suis un peu diversifié avec une Strat et une Tele Custom Shop. Et dernièrement je joue sur une PRS 594, une Collings électrique et une acoustique, une Martin OM28, et une vieille Gibson Archtop. Donc, il me semble que je suis bien équipé (rires).

Est-ce que tu joues aussi d’autres instruments ?

Je travaille de temps en temps la basse pour voir un peu ce qui se passe ailleurs que dans le registre de la guitare, pour mieux comprendre. Je joue donc des grooves sur quelques mesures. Par exemple, j’adore « Papa Was a Rolling Stone » des Temptations. Ce groove de basse est iconique pour moi. À un moment donné, personne ne joue pendant deux mesures sauf le charley de la batterie, et ça tient le coup magistralement, surtout si tu considères qu’il n’y a qu’un seul accord pour tout le morceau, les musiciens de la Motown savaient manier le groove.

Je joue aussi un peu de lapsteel, j’ai un vieux Fender Champion de 56 avec le Tweed case. Et il y a deux ans, je me suis aussi mis à la batterie pour approfondir un peu ma sensibilité au tempo, à la pulsation, et travailler quelques mesures de groove, toujours ce fameux groove… Je n’essaye pas de mystifier le groove, mais j’essaie un peu d’aller à sa rencontre, de l’apprivoiser.

Et la guitare acoustique ?

J’en joue aussi, bien sûr, et je m’aperçois que je suis en train de jouer de plus en plus aux doigts dessus. Je me suis mis à travailler comme ça parce que j’ai récemment lu un bouquin d’un mec qui s’appelle Joe Gore. C’est un ancien rédacteur en chef de Guitar Player qui a joué avec Tom Waits entre autres. Il avait une rubrique dans Guitar Player, et l’une de ces rubriques disait « tu joues pouce, index, pouce, index, une gamme comme ça ». Avec ça, tu changes le son, tu changes l’attaque, tu changes beaucoup de choses. Donc là, je me retrouve avec une nouvelle technique et je suis très hésitant et plein d’imperfections. Puis quand j’enseigne, parfois, je joue avec cette technique pour voir un peu comment ça se passe, comment je gère le son, que ce soit sur électrique ou sur acoustique. Après, je ne suis pas un fingerpicker, je connais deux ou trois trucs, mais ce n’est pas un de mes points forts.

Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes préférences ont-elles évolué avec le temps ?

J’ai commencé par le rock parce qu’à l’époque, j’avais besoin de quelque chose de brutal. À la fin de mon adolescence, ça ne se discutait pas. Il fallait qu’il y ait des guitares, que ça envoie. En m’intéressant à ce genre de musique, je me suis aperçu qu’il y avait des trucs dans le rock qui étaient écrits par des gens que je ne connaissais pas, comme Muddy Waters et Robert Johnson. Je m’intéresse aussi au blues, et aussi au blues moderne comme Larry Carlton, Robben Ford, des gens comme ça. De là à Scofield et Frisell, il n’y a qu’un pas à faire. Donc j’écoute aussi bien du blues ultra-basique, complètement « rural », pour le dire ainsi, que du blues à l’harmonie un peu plus sophistiquée comme Frisell ou Scofield, qui ont des approches et une lecture beaucoup plus moderne du blues.

Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes préférences ont-elles évolué avec le temps ?

Je ne suis pas contre le fait d’écouter des cantates de Bach par exemple, le contrepoint qu’il utilise est magistralement illustré, c’est du cinq étoiles. Il y a aussi des choses que j’admire profondément en Amérique du Sud, la samba, la bossa nova, par exemple. Ça ou la musique du Nord-Est brésilien, je trouve que la manière de jouer de ces gens revient à quelque chose de semblable au blues du Mississippi. L’éducation des gens, les instruments qu’ils utilisent ne sont pas les meilleurs, mais ils font une des meilleures musiques qui puissent être.

Je peux aussi aller écouter l’OSR qui va m’envoyer un truc génial du répertoire classique. Mais c’est un répertoire que je ne connais pas vraiment. Si je vais à un concert de musique classique, c’est plutôt les émotions et les sentiments que je vais avoir en écoutant cette musique qui vont primer sur le compositeur ou sur d’autres considérations. C’est impressionnant d’écouter un orchestre de 80 musiciens, un tel ensemble dégage une puissance spéciale. J’entendais le Bolero de Ravel l’autre jour, et me suis rappelé que c’est un ostinato de caisse claire de deux mesures qui dure 20 minutes. Tout ce qui va avec, toute cette immense progression avec la modulation à la toute fin, c’est de l’ordre du génie. Ce n’est pas cette musique qui me transporte le plus, mais elle m’emmène dans des recoins dont j’ignore tout et je découvre des choses splendides.

Quelles sont tes guitares préférées ?

Il me semble que la guitare électrique que j’ai et qui sonne le mieux – bien que ce soit complètement personnel – c’est ma Strat Custom Shop 62 Candy Apple Red. J’ai joué des dizaines d’heures de concert avec elle. Elle offre une réponse immédiate, une ergonomie incomparable, un punch énorme, un équilibre parfait entre les micros, tout est vraiment super. C’est déjà tellement bien fabriqué : toutes les vis sont accessibles, tout est réglable facilement, et avec peu de patience et d’outillage, tu règles ta guitare à la perfection. C’est un coup de génie incroyable la Strat ! Et puis j’affectionne particulièrement ma PRS 594. Ensuite en acoustique, j’ai une Collings qui est un modèle basé sur une vieille Gibson, et c’est une véritable cathédrale.

Dès le début des années 50, il y a deux personnes qui ont forgé le son du rock, ce sont Léo Fender et Ted McCarty. On les oublie tout le temps, ces deux personnages, mais ils sont hyper importants et on n’en parle jamais ailleurs qu’entre spécialistes. Le grand public ne sait pas qui ils sont, mais ils ont activement participé au son de la musique actuelle. C’est grâce à eux je pense que nous avons les instruments d’aujourd’hui.

Dans le domaine de l’électrique, les amplis et les effets sont très importants. Quel est ton set up préféré ?

J’ai toujours préféré les amplis Fender parce que j’y ai trouvé mon compte. J’ai essayé les autres amplis, mais j’ai trouvé qu’avec Fender, j’avais le son que je voulais. Sur mon pedalboard, il y a les bases comme la wah, overdrive, fuzz, delay et reverb, avec un petit compresseur à l’entrée, et c’est un peu tout. Avec ça, je fais tout ce dont j’ai besoin. Il m’est arrivé d’acheter un effet exprès pour un projet et de le revendre quand j’avais fini d’utiliser. La Whammy de Digitech, par exemple. J’en ai eu une, puis je me suis rendu compte que c’était un peu trop pour moi car je n’ai pas besoin d’avoir un effet qui fait 50 trucs. Si je veux une fuzz, je veux une fuzz, pas une fuzz qui fait ceci et cela, etc. Une fuzz, point. Donc ça reste assez simple.

 Tu joues pas à l’ancienne, directement dans l’ampli poussé à fond ?

Ça m’est arrivé. Quand je suis dans les Big Band, je rentre directement dans l’ampli comme ça. Puis après, je règle sur la guitare ce dont j’ai besoin. De cette manière tu as un son direct et tu dois vraiment gérer le son avec tes doigts, toutes les imperfections s’entendent bien entendu, et tu ne peux pas tricher avec des effets en amont.

Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare électrique ?

La fabrication, la lutherie, la conception, le choix des bois, les micros… C’est pour ça que je me suis dirigé vers des guitares assez haut de gamme, parce que même si je peux très bien travailler avec des guitares d’entrée de gamme, j’arrive très vite assez aux limites de l’instrument et je me retrouve à me demander « où est le jus là-dedans ? » Là, par exemple, j’ai une Strat mexicaine qui est très bien. J’ai joué avec sur scène, elle est super, mais il me manque le dernier petit quelque chose. C’est une bonne guitare, mais qu’est-ce que je fais si je veux plus ? Et ma Custom Shop est la réponse.

Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Le service excellent, qui est quelque chose d’extrêmement important aujourd’hui. L’équipe est à l’écoute, et puis il y a toujours une solution. Même si ça prend du temps, il y a une solution. L’atelier de lutherie est très compétent, je peux confier mes instruments sans me poser de questions. Emeric connaît vraiment très bien la question et son travail est irréprochable.

Plus personnellement, il faut que je fasse attention. À chaque fois que je rentre dans le magasin, j’ai envie de repartir avec deux ou trois guitares, ou des effets. Je vois que vous avez agrandi, il y a une vitrine d’effets, et je me suis justement dit « non, je ne regarde pas trop par là ! » Il y a toujours une nouvelle reverb, une disto, ou un autre truc dont je n’ai pas besoin, mais on ne sait jamais (rires).

Peux-tu également nous dire quelques mots sur les enjeux principaux liés à tes activités d’enseignant ?

Dans mes cours, je m’adapte complètement aux élèves, et ce sont eux qui décident à quelle vitesse ils progressent. Si on a le temps de faire cinq morceaux en un an, on en fait cinq, et si on a le temps d’en faire huit, on en fait huit. Ça dépendra de leur ambition personnelle et de leur disponibilité, parce qu’évidemment, on n’a pas toujours la possibilité de travailler autant qu’on le voudrait. La seule condition que je pose, c’est que ça doit avancer.

Les élèves qu’il faut pousser se rendent compte d’eux-mêmes qu’ils n’en font pas assez. Là, il y a deux options : ou bien ils se décident et arrivent à se donner plus de possibilités, ou bien ils arrêtent. Ils se rendent compte qu’il n’y a qu’eux qui peuvent faire les heures de travail qu’il faut à la maison pour progresser. C’est peut-être la principale différence entre mes cours et ceux d’une école, où là, il y a des échéances : l’audition, un concours, l’examen de fin d’année… Quelquefois, j’ai des élèves qui ont des échéances comme des concerts, par exemple, parce qu’ils sont au collège ou au Bus Magique et participent à un atelier. Donc là, on prépare en amont les quelques morceaux qu’ils joueront, et on avance comme ça.

Comment l’enseignement traditionnel a-t-il changé avec l’arrivée d’internet, des tutoriels faciles, de la MAO, et comment t’es-tu adapté ?

La MAO existait déjà avant que je donne des cours de guitare, et internet aussi. Il faut aussi faire attention avec la pseudo facilité des tutoriels sur internet. À ce propos, je remarque que j’ai parfois des élèves qui prennent contact avec moi en me disant qu’ils ont pris des cours sur internet ou qu’ils ont regardé des vidéos, mais qu’ils se rendent aussi bien compte que ce n’est pas si facile que ça, qu’ils ont des questions et qu’internet n’y répond pas, alors ils voudraient avoir un contact direct. Et pour moi c’est ok, je les accueille avec plaisir et ça me va près bien.  Car bien qu’il y ait des choses extrêmement bonnes sur internet, des vidéos géniales, des leçons approfondies, mais comment tu sais si c’est bien ou pas quand tu es débutant ? Est-ce que tu comprends ce qui est dit si tu n’y connais rien ? Il y a des sujets auxquels je ne comprends rien, et si on me dit : « tiens, regarde, c’est génial », je ne vais pas pouvoir en faire grand-chose. Qu’est-ce qu’il y a qui est génial ? Je dois voir quoi ? Donc un débutant, ou quelqu’un de non expérimenté, ça ne sera peut-être pas sa tasse de thé de se poser tout seul devant son écran pour essayer d’imiter des trucs qu’il voit sur YouTube.

Une chose qui a changé dans mon enseignement, c’est que j’écris beaucoup de partitions pour les élèves avec des logiciels faits exprès pour ça. Ça te fait la tablature et tout, c’est hyper pratique. Mais tous mes repiquages, je les fais à l’oreille et à la main. Il n’y a rien de plus rapide pour moi que la gomme et le crayon sur le papier. C’est comme ça que je fonctionne.

Comment assure toutes tes compositions ?

En général ça commence par une idée. Ça peut être une mélodie, ou une progression d’accords, et je cherche à la compléter, à l’enrichir. Si c’est une mélodie, les accords sous-jacents seront intéressants à chercher ; si c’est une progression, les mélodies peuvent être très variées. Parfois quand j’écoute un morceau, il y a une petite phrase musicale qui attire mon attention, alors je prends ce petit bout puis j’essaie de le développer à ma manière pour finir par en faire complètement autre chose. Les musiques de films sont toujours très riches et dans lesquelles je trouve pas mal d’idées d’ailleurs. Puis après, j’essaie d’imaginer un type d’accompagnement, la basse. Et la dernière étape, c’est d’essayer en groupe, pour se rendre compte de ce que ça donne.

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

J’ai joué un concert devant 1000 personnes un jour pour une société qui célébrait un anniversaire à Palexpo. C’était un gros concert, hyper bien organisé. Le son était génial, l’accueil très sympa. Tout était prêt et fonctionnait, le sound-check pour un orchestre de sept personnes a été fait en dix minutes. Puis il y avait à peu près 600 personnes qui dansaient pendant qu’on jouait, ça rajoute au plaisir d’être sur scène. Être entraîné par les gens qui sont là en train de danser, c’est un de mes meilleurs souvenirs de scène.

Quels sont les projets qui t’animent pour l’avenir ?

J’espère un retour sur scène avec une plus grande activité, parce que là, il y a un creux et ça me manque. Quand je dis « sur scène », je ne parle pas forcément de 1000 personnes. Un petit truc avec 50 personnes, c’est déjà bien. C’est même plus impressionnant et plus difficile à assurer. Le premier spectateur est à 1,5 m de toi, et c’est un bon challenge de jouer comme ça directement devant le public, encore plus lorsqu’il y a des amis parmi les spectateurs. Je pense qu’il y a vraiment une demande pour des petits concerts « intimistes », même si je remarque parfois une certaine réticence à payer à prix juste les musiciens professionnels. J’en ai déjà fait plusieurs des concerts dans cette configuration et ça me sort de ma zone de confort.

Qu’est-ce que tu conseilles à des jeunes guitaristes qui débutent ?

Déjà, essayez d’avoir un instrument de bonne facture. Il ne faut pas jouer sur n’importe quoi, les instruments trop bon marché ça dessert l’apprentissage. Puis il faut bien vous entourer, c’est-à-dire trouver quelqu’un qui vous convienne et qui arrive à vous guider selon vos envies. Ça, c’est une question personnelle. Voilà, c’est tout. Il faut investir un tout petit peu dans le matériel pour bien commencer, puis assez vite pensez à jouer avec d’autres dans des orchestres. Même si on n’aime pas forcément le style, apprendre l’écoute et le jeu ensemble, c’est le conseil fondamental que je donne à mes élèves.